Nazaré, Jaws, Teahupoo, Mavericks, Belambra… Pas un de ces spots n’échappe à Justine Dupont, la meilleure surfeuse de grosses vagues du monde. A l’occasion de la sortie du documentaire A la Folie sur Red Bull TV qui retrace les exploits de sa dernière saison, rencontre une athlète qui voit les choses en grand.

Elle a une aura solaire, un smile immense et une humilité légendaire. Quand on interviewe Justine Dupont via Zoom, elle est telle qu’on l’imaginait, sans filtre, comme sur Instagram, et d’une positivité à toute épreuve qui fait rayonner la pièce même à travers l’écran. Avec son bonnet Red Bull vissé sur la tête, elle répond à nos questions en revenant sur les meilleurs mais aussi les pires moments de sa carrière, parfois non sans émotion. Une émotion qu’elel a retranscris dans A la folie, un documentaire Red Bull TV qui nous transporte sur les plus beaux spots de surf de gros, dans les traces de Justine Dupont.

justine dupont a la folie surf

Interview de Justine Dupont à l’occasion de la sortie du documentaire A la folie

Surf and the City : Comment as-tu découvert le surf de gros ?
Justine Dupont : Quand j’ai commencé à surfer, le surf de gros m’attirait mais j’avais une petite contrainte technique : je suivais les étapes du tour en compétition qui se déroulaient l’été, tandis que la saison des grosses vagues est en hiver. J’avais moins de possibilités de surfer des grosses vagues et de m’illustrer sur cette facette. Après l’arrêt d’un partenariat sur la saison des petites vagues, Red Bull, avec qui je travaillais déjà, m’a approché et m’a annoncé vouloir me suivre sur ce nouveau projet dédié aux grosses vagues. Ils m’ont beaucoup aidé, notamment à acquérir ma liberté.

Comment Red Bull t’aide à accomplir ces exploits ?
J. D. : Je travaille déjà avec eux depuis un petit moment. Ce que j’apprécie vraiment dans notre relation est le fait qu’ils me permettent de donner libre cours à mes envies, de monter mes projets, et sont toujours en demande de retours de ma part pour m’aider au mieux. J’ai pris beaucoup de cours d’apnée dans un club grâce à eux, ce qui est un facteur déterminant quand on surfe du gros. C’est une grande famille avec beaucoup de bienveillance, et c’est aussi grâce à eux que je rencontre des légendes du surf de gros.

Comment sait-on si on va prendre la vague en ramant ou avec un jet ski ?
J. D. : Le surf à la rame a tellement repoussé les limites du corps humain… Cet hiver je me suis retrouvée sur une session où c’était géant. J’y suis allée à la rame, j’étais à deux doigts de prendre une vague énorme : c’était trop pour l’humain. Parfois, on a besoin d’une machine pour aller plus vite sur le début de la vague. C’est trop rapide pour nos petits bras ! Plus c’est gros, plus ça va vite, ainsi on prend le jet ski pour nos tow-in.
Techniquement, il y a une limite de taille, disons qu’au-delà de 10 mètres, la rame devient compliquée. Quand il n’y a pas de vent, on peut pousser jusqu’à 12, voir 15 mètres maximum. Quand il y en a, c’est plus compliqué étant donné que nous avons des grandes et lourdes planches. On prend la décision en amont de la session par rapport aux conditions.

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Justine Dupont on her jetski with partner Fred during the big wave season. // Fred Pompermayer / Red Bull Content Pool

On voit dans le documentaire que Kai Lenny ou encore la légende Jeff Clark t’encouragent et te soutiennent. Y a-t’il une vraie entraide dans ce milieu ou plutôt un esprit de compétition ?
J. D. : Ca dépend de chacun. Pour moi, c’est une famille où tout le monde s’entraide. C’est tellement fou de partager des expériences avec Garrett McNamara, Jeff Clark ou Michel Larraonde qui sont les premiers à avoir surfé des gros spots ! Pour ma part, il y a zéro compétition. C’est du partage pur entre générations : j’apporte ma fraîcheur et mon côté technique et eux m’apportent leur expérience, leur connaissance des vagues. On se pousse et se félicite les uns les autres, c’est très inspirant. On va toujours chercher le 100 % de chaque personne pour que chacun soit fier et aille au bout de lui-même.

Être une femme dans ce milieu plutôt masculin : est-ce une force ou une faiblesse ?
J. D. : Il y a des côtés positifs et négatifs. Je suis arrivée en tant que surfeuse technique, j’avais donc une crédibilité. Mon copain Fred qui m’accompagne sur les sessions est sauveteur, il avait donc également une crédibilité côté sécurité. Si tu arrives avec le sourire et du respect, tu reçois en échange des sourires et du respect ! Par moment, être une femme peut même être un avantage : ma façon de fonctionner et réfléchir peut être un atout. Aussi, certains me surveillent et me protègent un peu plus. J’ai un seuil de maîtrise plus exigeant qu’ils m’aident tous à dépasser.

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Comment ton entourage réagit par rapport à tes prises de risque énormes ?
J. D. : Il faut leur poser la question ! Ils se protègent par rapport à ça et n’y pensent pas trop. Je sais que parfois quand c’est très gros ils préfèrent ne pas venir me voir.

En janvier dernier, tu finis presque dans la falaise à Nazaré, mais retournes surfer seulement quatre jours après. Tu ne vis pas avec la peur après une telle épreuve ?
J. D. : J’ai peur forcément, mais j’ai appris avec ma blessure il y a trois ans à Hawaii à traiter les choses mentalement. Je ne l’avais pas fait à l’époque et quand je suis retournée sur le spot un an après, mon corps refusait de fonctionner, alors que j’étais très bien physiquement. Finalement, c’est ma tête qui avait enregistré cette blessure et l’avait associée à l’endroit. Quand, en janvier, à Nazaré, j’ai failli finir dans la falaise, je me suis dit qu’il fallait tout de suite que je traite cela pour ne pas revivre la même chose. C’est un gros travail mental, j’ai fait du magnétisme et de l’EMDR. Même avec cette épreuve, Nazaré reste le spot les plus sentimental pour moi puisque j’y ai pris ma meilleure vague en 2020.

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Justine Dupont gains speed on a huge wave at Jaws in Maui, Hawaii. // Fred Pompermayer / Red Bull Content Pool

Depuis plusieurs années la pratique du surf de gros s’est énormément démocratisée grâce aux avancées technologiques. Penses-tu que cela peut aller encore plus loin ?
J. D. : Je pense que la pratique a énormément évolué, peut-être que l’avancée technique va emmener les choses encore plus loin. Les gilets gonflables, les jets ski, ça a aidé la pratique à aller tellement loin, évidemment. Cependant, nous restons humain et il ne faut pas l’oublier. Parfois, le challenge est trop intense et, quand les conditions sont énormes, il n’est pas naturel pour un être humain de se retrouver là. Il faut savoir énormément s’écouter.

Visionner le documentaire A la folie :

Par Emeline Blanc

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